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19 octobre 2006
L'Islande entreprend la chasse commerciale à la baleine
Le ministère islandais des pêcheries a déclaré cette semaine que ses services commenceraient à remettre des licences aux navires baleiniers pour autoriser la prise de neuf rorquals communs et 30 petits rorquals d'ici le 31 août 2007. La chasse pourrait commencer dès cette semaine. Il s'agit d'une chasse commerciale visant l'exportation de viande de baleine. L'Islande deviendra le deuxième pays, avec la Norvège, à pratiquer une chasse commerciale à la baleine après s'être officiellement opposée au moratoire international sur cette activité, en vigueur depuis 1986. Cette chasse est très critiquée : une majorité de scientifiques nie qu'un contrôle des populations de baleines protégerait les stocks de poissons commerciaux, le rorqual commun est une espèce en péril, et le marché de la viande de baleine, tant localement qu'à l'exportation, est à peu près inexistant.
L'Islande avait cessé la chasse commerciale à la baleine en 1982 lorsque le moratoire international avait été introduit, puis quelque trois ans plus tard, elle avait cessé toute activité de chasse. Elle s'était retirée de la CBI (Commission baleinière internationale) en 1991 puis l'avait réintégrée en 2002, tout en logeant une objection formelle au moratoire. Depuis 2003, l'Islande a repris la chasse à la baleine à des fins scientifiques, un type de chasse aussi pratiquée par le Japon; sur le quota islandais de 200 petits rorquals, 161 ont été capturés jusqu'à maintenant, ce qui permet aux baleiniers d'en prendre encore 69 jusqu'à la fin de la saison de chasse scientifique, soit en août 2007.
Le ministère de la pêche affirme que la décision de reprendre la chasse commerciale ne met pas en danger les populations de cétacés puisque selon leurs données, il y aurait plus de 43 000 petits rorquals et 25 000 rorquals communs dans les eaux côtières islandaises. Les quotas établis équivaudraient à 0,2 % du nombre de petits rorquals et moins de 0,04 % des stocks de rorquals communs de l'Atlantique Nord. Selon le ministère, cette pêche commerciale limitée serait donc « en accord avec le principe de développement durable ».
Tout comme son voisin nordique, la Norvège, l'Islande affirme que cette chasse est nécessaire afin de contrôler les populations de petits rorquals pour ne pas qu'elle prenne trop d'expansion et ainsi représente une menace pour les stocks de poissons. Cet argument est vigoureusement dénoncé par une majorité de scientifiques spécialistes des réseaux alimentaires marins. La complexité des interrelations proies-prédateurs fait en sorte qu'il est impossible de conclure qu'une réduction des populations de baleines protègeraient les stocks de poissons commerciaux. Au contraire, comme les principaux prédateurs de poissons sont d'autres espèces de poissons, une réduction des populations de mammifères marins pourraient même faire diminuer les stocks d'intérêt commerciaux. Lors de la dernière réunion de la CBI en juin 2006, les partisans de la reprise de la chasse, Japon, Norvège et Islande en tête, ont réussi à faire adopter une résolution affirmant que le moratoire de 1986 n'était plus nécessaire et que les baleines constituaient maintenant une menace pour les réserves halieutiques. Ils n'ont pu réunir les trois quarts des voix nécessaires pour lever le moratoire, mais c'était la première fois en 20 ans qu'une résolution aussi clairement opposée au moratoire recueillait une majorité à la CBI.
Les organismes en faveur de la protection de la faune se soulèvent face à cette annonce : Greenpeace a condamné la décision des autorités islandaises, soulignant que le rorqual commun figurait sur la Liste rouge des espèces menacées, établie par l'Union mondiale pour la nature. Aussi, la Iceland Nature conservation Association (INCA) se dit surprise et déçue puisqu'il s'avère que le marché pour la viande de baleine en Islande est inexistant et qu'il n'y a aucune possibilité d'exportation vers le Japon, le plus grand marché mondial de viande de baleine. Déjà en 2003, l'Islande n'avait pu exporter vers le Japon ses produits issus de la chasse scientifique. Un tel commerce était prévu en dépit des règles internationales sur le commerce des espèces sauvages (CITES). Le Japon lui-même éprouve des difficultés à vendre sur le marché local les milliers de tonnes de viande et de gras de baleine fournis par ses programmes de chasse scientifique. Bien que ces produits aient été prisés par le passé, les ventes et les prix sont en chute libre depuis quelques années. Les changements de goût des Japonais combinés aux inquiétudes grandissantes face aux contaminants contenus dans la viande de baleine expliquent cette situation. D'ailleurs, il y a quelques années, les niveaux de BPC mesurés dans la graisse de petits rorquals avaient éteint tout espoir des chasseurs norvégiens de vendre leurs milliers de tonnes de ce produit aux Japonais [BBC, IFAW].